La charge mentale des endométriosiques

Le 28 mars 2022

Charge mentale et fausses croyances des endométriosiques

Qu'est-ce que la charge mentale ?

La définition commune de la charge mentale est la suivante : c’est un terme qui désigne la charge cognitive invisible induite par l'organisation de tout ce qui se situe dans la sphère domestique et qui peut conduire à l’épuisement mental et physique. Ces pensées donnent l’impression d’être toujours débordé·e, d’avoir peur d’oublier quelque chose ou que tout devient trop difficile à faire.

Il est important de noter que ne sont particulièrement ciblées, selon cette définition, ni les personnes atteintes de maladies physiques, ni celles atteintes de maladies mentales, qu'elles soient d’ordre passager ou chronique. Il est communément défini que la charge mentale peut atteindre toute personne en bonne santé, à tout âge, bien qu’elle toucherait plus les femmes que les hommes.

La charge mentale intrinsèque qui émane de chacun-e se distingue de la charge mentale induite par l’environnement (environnement sociétal, socio-professionnel). Dans le contexte de l'endométriose, la question de la charge mentale des personnes atteintes d’une pathologie chronique incurable et souvent invalidante est primordiale.  En effet, les notions de chronicité, d'incurabilité et d’invalidité sont des facteurs aggravant la charge mentale.

La charge mentale intrinsèque est un ensemble de contraintes rencontrées au quotidien visant à « prendre soin» ; ces contraintes étant d’ordre organisationnel, matériel et même affectif.

La charge mentale est le résultat de plusieurs facteurs de stress qui se répètent en agressant l’organisme, ces facteurs pouvant être l'intensité des charges, la répétition dans le temps, l’exigence, les conflits, etc. L’organisme se prépare donc à agir pour lutter contre l’agression en mobilisant au maximum ses forces physiques et mentales. Cette réponse est tout à fait naturelle : l’adrénaline nous pousse à l’action.

Le souci vient quand, à force d'agressions, le niveau de stress ne descend pas complètement, nous poussant donc à agir sans arrêt au maximum de nos capacités. Le stress perdure, le corps s'épuise d’être en permanence activé et entre en état de stress chronique.

Se produit alors pour la personne concernée un déséquilibre entre sa perception des contraintes et celle de ses ressources (surestimation des contraintes versus surévaluation des ressources). Le corps produit alors du cortisol (glucose) lui permettant de maintenir son niveau de suractivité.

Charge mentale et maladie chronique

Pour une personne souffrant d’une maladie chronique, cette charge mentale est un double fardeau ou une double peine. La surcharge mentale, qui provient du stress et ne s’arrête jamais, en crée encore plus. Or, le stress est un facteur aggravant l'état de santé.

Mais, si quiconque peut imaginer les pensées classiques liées à un état de charge mentale, telles que « il faut que je m’occupe de ma lessive » ; « je vais être en retard pour récupérer les enfants », « qu’est-ce que je prépare à manger ce soir ? » ; etc., il est plus difficile d’imaginer les pensées quotidiennes des personnes endométriosiques car elles sont invisibles : « comment me lever ce matin ? » ; « vais-je réussir à conduire pour amener les enfants à l’école ? » ; « vais-je tenir debout assez longtemps pour les courses ? » ; « comment supporter mes douleurs aujourd’hui ? ».

Si le « petit vélo » dans la tête tourne autant et aussi vite pour tou·te·s, les préoccupations sont souvent plus graves, voire sans solution immédiate, pour les personnes atteintes d’endométriose. Leur perception de leurs contraintes et de leurs ressources est encore plus déséquilibrée.

Malheureusement, dans le cas où une personne souffre d'endométriose, son corps lui rappelle sans arrêt son état de santé profond car chronicité rime avec quotidienneté !

Comme une ombre qui nous suit, l'ombre de la maladie rappelle à tout instant qu’elle est indissociable de la personne elle-même : qu'il s'agisse d'une brûlure, d'une torsion, d'un pincement, etc., à tout instant, sans arrêt, elle est comme une voix off qui tourne en boucle et s'exclame : « Je suis là, où que tu sois, quoi que tu fasses, je ne te lâcherai jamais. »

Alors, tout cela va bien au-delà de la charge mentale communément définie. La chronicité des douleurs et des dysfonctionnements, l’incurabilité de la pathologie et son aggravation allant parfois jusqu’au handicap sèment une anxiété importante. C’est évident, il est très difficile de vivre dans l’incertitude et dans l’instabilité physique et émotionnelle (liée à la pathologie et aux traitements). Cette difficulté crée de l’angoisse, voire de la dépression, pouvant aggraver les symptômes directement liés à la pathologie. Pour ne rien arranger, il est bien trop souvent conclu que les personnes endométriosiques sont dépressives ou stressées et que c’est en partie cela qui aggrave leurs symptômes, sans considérer à sa hauteur la gravité de la charge mentale et du stress chronique.

Une pathologie chronique handicapante implique bien souvent une nouvelle façon de vivre.

En effet, tous les champs de la vie quotidienne sont impactés : la vie professionnelle, sociale et intime. Une nouvelle organisation et une nouvelle vie toute entière doivent voir le jour pour s’adapter aux douleurs, aux traitements & aux rendez-vous médicaux et conjuguer cette vie de personne malade avec la vie tout simplement. Une organisation chamboulée, parfois chargée, des changements d’emploi, de loisirs, d’alimentation, d’hygiène de vie... Des changements parfois compris et soutenus, mais pas toujours… C’est bien dans toutes ces dimensions étroitement liées que le « petit vélo » dans la tête essaie d’anticiper, d’optimiser, de trouver des solutions… Mais les solutions semblent introuvables, surtout lorsqu’on ne peut pas mettre les douleurs sur off.

Malheureusement, le cerveau recevant des informations sans arrêt, notamment des signaux de douleur dans le cas d’une endométriose neuropathique, finit par épuiser complètement le corps et l’esprit.

La durée dans le temps et l’intensité de la charge mentale conduisent à aggraver la fatigue chronique. Il s'agit d'un véritable cercle vicieux qui peut paraître sans issue, d’autant plus qu’il est presque invisible et peut conduire à l’épuisement. Cet épuisement chronique généralisé a des conséquences graves sur la santé physique et mentale. A long terme, un état de stress chronique peut générer des troubles du sommeil, des troubles digestifs, des douleurs articulaires, des maux de tête, des dérèglements hormonaux, etc., venant s’ajouter aux douleurs associées à l’endométriose.

Sur le plan de la santé mentale, selon le tempérament de chacun-e, les conséquences seront différentes : culpabilité, sentiment d’infériorité, besoin d’être meilleur-e, frustration, anxiété, isolement, dépression, …

Dans cette situation d’épuisement, il devient très difficile, voire impossible pour certain·e·s, de prendre du recul et de discerner ce qui est bon pour soi. Lorsque le cerveau est en surchauffe et que l’état vital s’épuise, les capacités réflexives sont mises à mal et faire les bons choix peut devenir très difficile.

Tout ceci représente la charge mentale intrinsèque, celle qui nous est propre. Même si elle n’est pas souhaitée, c’est bien notre cerveau qui tourne sans arrêt et qui autoproduit du stress.

La charge mentale que nous impose la société

En plus de cette charge mentale intrinsèque, les personnes souffrant d'endométriose subissent les conséquences des fausses croyances liées à leur état de santé, qui peuvent provoquer une source de stress supplémentaire.

Malheureusement, certain·e·s professionnel·le·s maladroit·e·s qui ne connaissent pas assez cette maladie ne sont pas suffisamment transparent·e·s quant à leurs limites et leur manque de connaissances. Ces professionnel·le·s apportent une réponse psychologique à l’endométriose et peuvent créer énormément de culpabilité en laissant penser à la personne endométriosique qu'elle est responsable de son état.

Il est commun d'entendre de telles phrases : « Les règles, ça fait mal, c’est normal », « C’est ça, la vie d’une femme », « C’est dans votre tête », « C’est le stress », « Vous êtes douillette », « Vous avez dû subir une agression », « Votre maladie est psychologique », « Vous avez cette maladie car vous refusez d’avoir des enfants », « Il n'y a rien aux images, donc vous n’êtes pas malade », « Vous êtes trop jeune pour que ce soit l’endométriose », etc.

Selon le tempérament de la personne, sa réaction face à ces fausses croyances sera différente. En effet, certain·e·s pourraient « les avaler toutes crues » et se dévaloriser, provoquant par la suite des comportements de type enfermement, dépression, honte, etc. D’autres pourraient « renvoyer la balle » et se braquer, provoquant colère, frustrations, déni, etc. Mais, quelle que soit la réponse donnée à ces paroles inadaptées, il apparaît en premier lieu que les patient·e·s ne se sentent pas écouté·e·s, pas respecté·e·s, voire se sentent méprisé·e·s, abandonnées, découragé·e·s, etc.

Toutes ces paroles sont destructives, elles entraînent des réactions néfastes sur les manières d’être amp; et de faire et provoquent inévitablement du stress organique.
Toutes ces expériences difficiles avec les professionnel·le·s de santé ou l’environnement sont parfois traumatisantes et peuvent aussi conduire à un arrêt des soins, laissant alors certain·e·s dans des situations catastrophiques par peur du jugement.

Toutes ces expériences difficiles avec les professionnel·le·s de santé ou l’environnement sont parfois traumatisantes et peuvent aussi conduire à un arrêt des soins, laissant alors certain·e·s dans des situations catastrophiques par peur du jugement.


Rédaction : Julie G. C.
Relecture : Lindsay Bakala, Monique B. et Estelle B.

Notre contenu est à visée strictement informative et ne saurait remplacer vos relations avec un·e professionnel·le de santé.

Rechercher dans le site

crossmenuchevron-downwarning linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram